La fouille entreprise sur le site Strasbourg Hôpital Civil a permis de mettre au jour des occupations antiques et médiévales inédites ainsi que les états antérieurs de l’hôpital, superposées sur une amplitude stratigraphique de 4,50 m. Cette opération s’est déroulée en deux phases : la première a consisté à fouiller les espaces impactés par le futur projet de bâtiment mené par la CUS (2012-2013), la seconde a consisté à réaliser un suivi de travaux en lien avec la mise en place d’un système de chauffage par géothermie destiné à alimenter le bâtiment dans le square jouxtant le projet d’aménagement (2018). Dans ce laps de temps ont été réalisées une tranchée d’une 50aine de mètres, profonde d’1,20 m et large de 2 m ainsi que deux excavations de 16 m², profondes de 3,50 m, correspondant à l’emprise des puits de rejets.
Les premiers niveaux sont liés au développement d’un quartier d’habitat dans un secteur perturbé par les fluctuations hydrographiques de la Bruche et de l’Ill entre la fin du Ier siècle et le IIIe siècle. Ce quartier alliant maisons en terres et bois, structures d’équipement et d’artisanat s’organisait en parcelles allongées de part et d’autre d’une barre naturelle en gravier, traversant le site du nord vers le sud, héritage des divagations rhénanes de l’ère Quaternaire. L’organisation orthonormée des vestiges par rapport à cet axe, ainsi que la mise en évidence d’entailles dans les flancs et le sommet de celui-ci ont montré que cette entité naturelle avait été utilisée comme espace de circulation par les autochtones. Une réoccupation des lieux intervient durant le IVe siècle, comme en témoigne la découverte d’un petit secteur d’inhumation au sud de la fouille, suite à l’abandon des bâtiments. La découverte de soubassements en grès spoliés sur les anciens bâtiments afin de supporter les cercueils dans les fosses ou des toits en bâtière édifiés par-dessus les inhumations attestent du fait que les bâtiments n’étaient plus en élévation dans ce secteur à cette période.
Cette dernière occupation est scellée par une couche de terres noires où aucune trace de bâtiment léger n’a pu être observée, malgré la présence dans ces sédiments de nombreux tessons antiques et de rares tessons datés du Xe siècle. Aucun artefact daté du haut Moyen Âge n’a été décelé ce qui suppose que ce secteur, même s’il est occupé sporadiquement, n’a donné lieu à aucune installation pérenne.
La réoccupation des lieux intervient entre le milieu du xe et le milieu du xiiie siècle (fig. 6), sous forme d’un habitat représenté par quelques fosses, des latrines et trous de poteaux permettant d’identifier des bâtiments en bois et terre au nord de la fouille. L’occupation se densifie ensuite et s’étend sur l’ensemble du site ; elle se matérialise par des habitats fondés en dur, des fosses et des puits (fig. 8) ; répartis en bordure d’un probable axe antérieur à l’ancienne rue du Bouc (fig. 7), menant vers l’extérieur de l’enceinte épiscopale datée du xiiie siècle et englobant la rive droite de l’Ill. Aucune trace de cet axe antérieur n’a été découvert lors de la fouille, mais l’on suppose fortement que le cheminement antique appuyé sur une ancienne barre de graviers est à l’origine de cet axe dont le tracé est identique, bien que décalé très légèrement vers l’est.
C’est à partir de la fin du xive siècle, d’après les archives de la ville de Strasbourg, que l’hôpital de la ville, dont la date de création n’est pas attestée précisément, est déplacé et définitivement implanté à cet emplacement ; son installation semble aller de pair avec la mise en place de la nouvelle enceinte maçonnée qui agrandit le périmètre initialement circonscrit, ainsi qu’avec la mise en place d’une voirie pérenne, la rue du Bouc, observée lors de la fouille, desservant la Bündethor, au sud de l’enceinte. Les décapages successifs réalisés sur le terrain d’assiette du futur PAPS/PSI ont montré que c’est à partir de cette période que vont se succéder les vestiges qu’il a été possible de rattacher aux différents états des hôpitaux consignés dans les archives jusqu’au xixe siècle (figs. 9 et 10).
Le suivi de travaux réalisé en 2018, eut égard à sa faible surface d’ouverture, n’a pas permis d’apporter plus de connaissances quant au développement des habitats antiques et médiévaux. Il n’a livré que peu de vestiges archéologiques et de mobilier et leur analyse est encore en cours. La tranchée a permis de documenter une succession de remblais modernes (gravats, recharges de graviers liées aux aménagements successifs du square…), des fosses de plantation ou encore de rares tranchées correspondant probablement à des récupérations de murs. Un seul mur a été observé, daté du XVIIIe siècle, selon sa technique de construction.
Les sondages profonds réalisés dans l’emprise des futurs puits ont permis de mettre au jour une colonne stratigraphique peu perturbée où ont été reconnues les principales unités stratigraphiques déjà observées lors de la fouille de 2012-2013, mais n’ont toutefois pas pu atteindre les premiers niveaux antiques et le substrat en raison de la limite imposée par la cote d’aménagement du projet. Seules deux structures ont été reconnues dans le puits situé le plus au nord : une tranchée et une fosse orientées est-ouest, datées du premier tiers du IIe siècle, en fonction de l’unité stratigraphique dans laquelle elles étaient installées.