C’est la proximité immédiate du centre ancien du village, attestée dès le xiie siècle, ainsi que la localisation du site dans un secteur où sont connus de nombreux vestiges des époques protohistoriques et gallo-romaines qui ont motivé la réalisation d’une fouille archéologique à Saulxures-lès-Nancy, « Grande Rue, rue des Jardins fleuris ». L’emplacement du site dans le centre de l’agglomération actuelle, à une trentaine de mètres au nord de l’église Saint-Martin, laissait envisager la possibilité de mieux comprendre le phénomène de la naissance du village et de la continuité ou de la rupture de l’occupation au sein de celui-ci.
Les éléments les plus anciens mis au jour sur le site consistent en un grand nombre de tessons roulés pouvant être datés de manière large de la protohistoire (depuis l’âge du Bronze jusqu’à l’âge du Fer). Ces tessons proviennent des colluvions recouvrant le site. En l’absence d’indice d’habitat, il faut envisager leur origine en amont, en direction des sites du Bronze final et de l’âge du Fer découverts sur les communes de Saulxures et d’Essey-lès-Nancy.
Le site connaît une première occupation à l’époque romaine (fig. 1). Elle débute à la fin du iie siècle ou au début du iiie siècle et se prolonge au Bas-Empire. Au total, 89 tessons datés de la période romaine ont pu être mis au jour. La plupart d’entre eux ont été trouvés en position résiduelle dans des structures ayant également livré du mobilier de périodes postérieures. Un petit nombre de structures (trois fossés et six fosses) a cependant fourni du mobilier exclusivement romain. Le peu d’éléments mis au jour ne nous permet pas de caractériser l’occupation du site. Néanmoins, il est intéressant de noter qu’il s’agit du premier indice d’une présence romaine sur la commune de Saulxures-lès-Nancy. Jusqu’à présent, les découvertes faites sur les communes avoisinantes laissaient penser que la population romaine s’installait à l’écart de la Meurthe, vers Pulnoy au nord-est et Essey-lès-Nancy au nord.
Le mobilier ne nous permet pas de déterminer s’il existe un hiatus entre l’occupation romaine et celle du haut Moyen Âge. Cette dernière s’étend du ve au xe siècle. Les vestiges mis au jour esquissent l’image d’une zone peu densément occupée, mais fortement organisée. À l’ouest, on trouve un espace funéraire (fig. 2) installé sur le bord d’un chemin et compris dans un réseau de fossés. À l’est, divers éléments indiquent la présence d’un habitat, peut-être répartis en deux unités distinctes. L’unité 1, au nord, comporte un bâtiment, un enclos, un silo, des portions de fossés et des fosses diverses. L’unité 2, au sud, est composée d’un bâtiment (fig. 3), de fosse d’extractions, de portions de fossés, d’un silo, de possibles palissades et là encore d’un certain nombre de fosses. Les deux sont séparées par une bande presque vide de structures. Ces deux unités sont installées en bordure d’une zone humide ou semi-humide. Les bâtiments présents dans ces deux unités sont de petite taille, et il semble s’agir davantage de bâtiments annexes que de bâtiments principaux. Ces derniers étaient peut-être situés en périphérie, au nord et au sud respectivement de la zone fouillée.
Ce type de configuration, avec d’un côté l’habitat et de l’autre l’espace funéraire est relativement rare en Lorraine puisqu’à ce jour seul le site de Damblain (Vosges) a livré une petite aire funéraire mérovingienne de seize inhumations, associée à des bâtiments pouvant correspondre à quelques cellules familiales. Bien qu’il puisse paraître logique d’inhumer ses proches non loin de sa maison, l’association d’un groupe funéraire et d’un habitat de taille modeste n’est finalement que rarement mise en évidence. L’existence de tels ensembles funéraires réside donc très probablement dans la volonté d’inhumer les membres de sa famille ou de sa communauté à proximité de son lieu de vie, proximité qui peut éventuellement être recherchée si la nécropole communautaire n’est pas située à proximité.
L’occupation semble se restreindre aux viiie-xe siècles et s’installer sur les bords de l’occupation précédente. On observe alors l’installation de sépultures en périphérie de l’habitat, en dehors de l’ensemble funéraire évoqué plus haut. Peut-être que cette période voit l’habitat se resserrer autour de l’église paroissiale.
Le site n’est ensuite plus occupé jusqu’aux xive-xve siècles. À cette époque, la zone humide, en bordure est du site, est remblayée. Il s’agit sans doute d’une volonté d’assainir cet espace. On note aussi la présence d’une sépulture au centre de la zone ouest, non loin de l’ensemble funéraire mérovingien. Peu de structure et de mobilier pouvant être rattachés à cette période, il est difficile de savoir si l’occupation est sporadique ou continue et si elle se déroule sur la parcelle même ou sur les parcelles adjacentes situées à l’est.
Enfin, des éléments plus récents, datés des xviiie et xixe siècles, correspondent, quant à eux, à la mise en culture des parcelles concernées par la fouille. Il s’agit de drains (plutôt nombreux), d’annexes agricoles, de squelettes animaux enfouis, d’un puits et d’une cave. Toutes ces structures indiquent la présence à proximité d’une exploitation agricole, sise en bordure de village. Le cadastre napoléonien nous permet de voir que les parcelles concernées par la fouille, bien que situées à faible distance du bourg, ne font pas pour autant partie des surfaces bâties de celui-ci. On se trouve plutôt dans les zones réservées aux jardins ou aux travaux agricoles.