Les opérations archéologiques prescrites à Richemont Devant le Pont font partie de deux fouilles administrativement distinctes précédant l’exploitation du terrain par une gravière située à environ 700 m à l’est du centre-bourg actuel.
Le site 1 de Richemont Devant le Pont, fouillé en quatre tranches entre 2013 et 2020, a livré 2328 structures archéologiques réparties sur une surface d’environ 7,5 ha. De nombreuses occupations se succèdent ici, depuis le Néolithique moyen jusqu’aux époques moderne et contemporaine, témoignant de la forte attractivité de ce secteur idéalement situé dans la confluence de la Moselle et de l’Orne.
L’implantation humaine débute à Richemont par une occupation du Néolithique moyen. Les vestiges se concentrent essentiellement dans la partie ouest de la bordure du paléochenal. Les trous de calage de poteaux localisés en périphérie constitueraient une zone d’habitat comme en témoigne la restitution d’un potentiel bâtiment fusiforme caractéristique de cette période. La bordure interne du paléochenal aurait alors servi de zone de rejet de mobiliers divers. L’étude de cette occupation originale (en bord de chenal) a livré de nombreux résultats inédits pour la Moselle dans la mesure où les données concernant cette période du Néolithique moyen (Grossgartach, Planig-Friedberg) y sont encore très limitées : en effet seuls quatre sites sont connus à ce jour.
La période suivante est marquée par une importante occupation funéraire qui constitue, sans nul doute, l’un des intérêts majeurs de l’opération. L’utilisation de cette nécropole, composée de 35 sépultures, s’échelonne du Néolithique final jusqu’à l’extrême fin du Bronze ancien ou le début du Bronze moyen. La présence de trois enclos circulaire d’une dizaine de mètre de diamètre, exceptionnel pour la région est à signaler. Deux d’entre eux étaient centrées sur une tombe, et l’une d’elle présentait un individu masculin accompagné d’un rare exemplaire de poignard en alliage cuivreux à rivet qui témoigne certainement d’influences culturelles lointaines. Une autre singularité est la présence d’individus inhumés dans le comblement même de deux des fossés d’enclos circulaires. L’étude archéo-anthropologiques, a permis de caractériser au mieux la population inhumée sur le site, notamment par une étude détaillée des données biologiques et du recrutement, et aussi d’approfondir les connaissances quant aux pratiques funéraires de la région durant cette période. Le mobilier d’accompagnement mis au jour, bien que limité, est là aussi particulièrement intéressant. Outre le poignard déjà évoqué, certaines tombes ont livré quelques lames de silex, des perles et une pendeloque arciforme en matière dure animale, ou encore un anneau en alliage cuivreux.
Après un hiatus de quelques siècles, le site est réinvesti à partir de la fin du Bronze final jusqu’à la fin du premier âge du Fer, pour une séquence relativement longue. Celle-ci est attestée par de nombreux trous de poteaux, signalant près de 150 bâtiments. Quelques autres structures usuellement associées aux habitats, comme les fosses polylobées, des puits ou quelques silos sont à signaler. L’étude céramologique ainsi que les datations au radiocarbones mettent en évidence une installation sur la longue durée, du Bronze final IIIb au Hallstatt D3, soit sur quatre siècles environ (avec un hiatus au Hallstatt D2 ?). Les vestiges du début de la séquence (Bronze final IIIb) sont assez discrets et se concentrent dans la zone centrale du site sur la rive sud du paléochenal, autour de l’enclos funéraire de la nécropole du Bronze ancien le mieux conservé. À partir du premier âge du Fer (Hallstatt C-D1), l’espace est investi plus massivement et on constate une implantation sur quasiment l’ensemble des zones étudiées, en trois pôles bien distincts. L’occupation est de nature domestique (bâtiments sur poteaux, puits, fosses détritiques, mobilier typique de site d’habitat) et bien qu’assez importante, elle est conforme aux standards régionaux. Lors de la dernière phase de cette séquence, au Hallstatt D3, l’occupation, sans perdre de son ampleur, se restreint sur deux pôles. On devine alors une modification dans l’organisation générale des bâtiments : ceux-ci changent légèrement d’orientation et ils sont implantés de manière plus normée, voire orthonormée au nord du paléochenal. Ce phénomène est peut-être le signe d’un essor agricole tel qu’il est documenté en Champagne, entre les Ve et IVe. s. av. J.-C.
Le site est ensuite abandonné pendant plus d’un millénaire. Au XVIIIe s., les parcelles constituées alors principalement de prairies sont réinvesties par 2 à 3 camps successifs de manoeuvre militaire. Celui-ci, repéré dès les fouilles du site 2 en 2011, s’étend sur au moins l’ensemble de l’emprise de la gravière. Les vestiges (du site 1) sont composés de 76 abris excavés associés à des zones foyères, de six puits et de divers autres creusements (foyers, fosses, trous de poteau). La plupart des abris sont disposés sur deux lignes dont les longueurs documentées sont comprises entre 400 et 500 m. Les puits sont également organisés en ligne, à une quinzaine de mètres des abris. Le mobilier associé (céramique, mobilier métallique, ustensiles de cuisine, pipes, reliefs de repas) recouvre les différents aspects de la vie d’un camp militaire. Celui-ci est nommé « camp de la Moselle » dans les archives qui en livre d’ailleurs quelques descriptions détaillées. Il permettait en outre la surveillance de la frontière et était idéalement placé non loin de la Moselle entre deux villes de garnison Metz et Thionville.