Un projet de plateforme de commande (E. LECLERC) sur le ban de la commune de Niederhergheim a donné lieu à une fouille préventive réalisée par Antea-Archéologie entre les mois de juin et septembre 2012. Cette opération fait suite à un diagnostic réalisé par le PAIR au début de l’année 2012 sur plus de 10,5 ha. Cette évaluation a permis de mettre en évidence des occupations protohistoriques datées de l’âge du Bronze ancien et final, des structures erratiques de La Tène (AB?), des fossés gallo-romains ainsi que plusieurs fossés et structures modernes et/ou contemporains.
La fouille préventive a couvert une superficie de 5,8 ha située au sein de la zone diagnostiquée. Au total 1075 structures ont été découvertes et seules 66 d’entre elles contenaient du mobilier archéologique.
Néolithique / Bronze ancien
Les premières traces d’occupation humaines sur le site pourraient remonter à une période antérieure au 3ème millénaire, bien que les indices soient très ténus : une petite lame d’herminette, dont la forme évoque le néolithique moyen, et une portion d’enceinte à fossé discontinu. La datation de cette dernière reste toutefois sujette à caution.
La présence humaine est mieux attestée à la charnière des 3ème et 2ème millénaires. Plusieurs puits et le mobilier piégé dans des structures naturelles évoquent l’existence d’un habitat. Une incinération, située dans le quart nord-est de l’emprise, suggère qu’une zone funéraire était implantée à proximité. Datée par le radiocarbone, cette découverte est unique en Alsace où seule l’inhumation était jusqu’à présent connue pour cette période. En outre, sa localisation précise au sein du Langgrabben, bien daté du Bronze final interroge. Même si le hasard a pu jouer dans l’implantation de ces structures séparées par plus d’un millénaire, il n’en demeure pas moins intéressant de souligner la perduration dans le temps de la fonction funéraire de ce secteur.
Les puits ont livré un matériel céramique abondant et plutôt bien conservé qui fait de la série l’une des plus importantes dans la région. Elle inclut des éléments qui attestent une occupation dès 2100 av. J.-C. même si la majorité du mobilier placerait celle-ci au début du 2ème millénaire, avant 1700 av. J.-C.
Bronze final
L’occupation suivante, la plus importante, est datée du Bronze final IIIb. Elle est matérialisée sur le terrain par des structures de différente nature. D’une part de vestiges d’habitat avec une fosse polylobée, un puits et des trous de poteau. Malheureusement aucun plan de bâtiment n’a pu être observé en raison de la forte érosion dont a fait l’objet ce secteur.
D’autre part, distant d’environ 200 m de cet habitat présumé, a été observée toute une série d’enclos : 8 de forme circulaire et un grand enclos allongé de type langgraben. L’organisation générale de l’ensemble semble répondre à une implantation planifiée fondée, en partie au moins, sur les points cardinaux. Les diamètres des fossés circulaires sont compris entre 6,60 m et 18,65 m.
Le grand enclos allongé (ST.869) est orienté exactement nord-sud et mesure 37 m dans sa longueur et 6 à 7 m dans sa largeur. Aucun vestige anthropisé n’a été retrouvé à l’intérieur de son enceinte (hormis une fosse contenant des restes humains incinérés mais datés, sur la foi de l’analyse radiocarbone, de la période néolithique final / Bronze ancien). Ce type d’enclos allongé est rare dans l’est de la France : l’exemplaire de Niederhergheim est le quatrième connu en Alsace et le deuxième ayant fait l’objet d’une fouille exhaustive (après celui de Réguisheim Leimengraben en 1979). Son fossé d’enclos a livré près de 27 kg de céramique dont une grande partie présentait des traces de passage au feu.
Les Langgraben sont souvent considérés comme des aires sacrées depuis la fouille du site d’Acy-Romance mais cette interprétation reste encore sujette à discussion à l’heure actuelle. En revanche, la fonction funéraire des enclos circulaires ne fait guère de doute bien que seule une tombe à inhumation ait été retrouvée dans l’emprise de cette zone (mais pas à l’intérieur d’un enclos). Les sépultures correspondant aux différents fossés circulaires n’étaient sans doute enfouies que superficiellement (mais recouvertes d’un tertre) et ont été détruites par l’érosion due en grande partie à l’exploitation agricole intensive de ce secteur aux périodes moderne et contemporaine.
La datation de ces ensembles domestiques et funéraires montre une contemporanéité certaine. Celle-ci repose essentiellement sur l’étude céramologique qui indique une fourchette chronologique au courant du Bronze final IIIb. Cette datation est concordante avec l’analyse radiocarbone de la tombe à inhumation évoquée plus haut.
La Tène ancienne (LT A-B ?)
Deux structures pouvant être datées de cette période ont été découvertes sur le site de Niederhergheim. Il s’agit de deux fosses peu profondes mais au creusement régulier. L’une d’elles a livré un couteau en fer entier en mauvais état de conservation. La datation repose sur la céramique, dont certains tessons provenaient de récipients réalisés au tour, caractéristique de la période du début de la période laténienne. Ces structures sont sans doute à mettre en relation avec des structures Hallstatt/La Tène découvertes lors d’un diagnostic à l’est du terrain investigué, actuellement sous le bâtiment LIEBHERR.
La période gallo-romaine
Cette période est représentée sur le terrain par 2 fossés strictement rectilignes et parallèles (orientés NNE-SSW) observés sur toute la longueur de la zone décapée. Dans le comblement de l’un d’eux ont été découverts des tessons de la période gallo-romaine (pâte claire, sigillée). Ces structures correspondent peut-être à des fossés bordiers d’une petite voie secondaire? Un autre ensemble de ce type a été découvert au nord du terrain. Ceux-ci sont moins bien documentés que les premiers en raison de tout un ensemble de réseau moderne (eau, électricité) qui en perturbait la lecture et la fouille. Cependant une fosse contenant des restes de tegulae située à proximité et surtout des photos aériennes permet d’envisager qu’il s’agit de fossés bordiers d’une route ou d’un chemin. En effet, ces deux tracés parallèles se poursuivent au-delà de notre chantier de fouille comme en témoignent des photographies aériennes de 1990. Ces tracés peuvent en outre être suivis dans la forêt dite Thurwald sous la forme d’une dépression linéaire visible sur plusieurs kilomètres sur les relevés LIDAR.
Les périodes modernes et contemporaines
Par ailleurs, les activités agricoles des périodes modernes et/ou contemporaines ont laissé quelques traces comme des fosses diverses ou encore des fossés parcellaires. Ceux-ci correspondent aux divers remembrements qui ont transformé cette zone agricole au courant des siècles derniers.
Nous pouvons enfin mentionner une très grande fosse, positionnée au centre de notre zone de fouille. Celle-ci était encore visible sur les photos aériennes de la fin des années 1960 : il s’agit sans doute d’une zone d’extraction de gravier qui a été laissée à l’abandon et qui a disparu lors du dernier grand remembrement au début des années 1970.