La commune de Meyenheim est située dans le Haut-Rhin, à mi-distance entre Colmar et Mulhouse. Le terrain concerné par la fouille se trouve au sud-ouest du village dans la plaine de l’Ill. L’opération archéologique commanditée par la Communauté de Communes Centre Haut-Rhin, pour la réalisation d’une zone d’activité d’intérêt communautaire, s’est déroulée de mars à avril 2016, sur deux secteurs distincts séparés par un chemin d’accès aux parcelles qui ne faisait pas l’objet d’une prescription. Le premier secteur, d’une surface d’environ 1400 m², situé à l’est, correspond à une zone funéraire de l’époque augustéenne. Le second secteur, d’environ 2500 m²) à l’ouest, comporte un habitat du haut Moyen Âge composé de plusieurs petits bâtiments semi-excavés de type « fond de cabanes » et deux grands bâtiments sur poteaux. L’étude post-fouille est actuellement en cours, les résultats exposés ici sont donc préliminaires.
Le secteur Antique correspond à une zone funéraire constituée d’un enclos fossoyé, possédant un profil en V, orienté nord-sud/est-ouest, de forme rectangulaire (16,5 x 18,5 m), recouvrant une surface de 290 m² environ. Cet enclos est associé à plusieurs structures funéraires présentant des relations stratigraphiques avec ce dernier :
– une probable sépulture secondaire à crémation (fouillée et prélevée lors du diagnostic), contenant une intaille, une monnaie en argent (un quinaire d’argent) et des éléments vestimentaires en alliage cuivreux, située dans la partie centrale de l’enclos (St 17).
– une probable aire de crémation, recoupée par la section nord de l’enclos, correspondant à un vaste épandage contenant des os brûlés de faune, de nombreux restes charbonneux, des fragments d’amphore, de récipients en céramique brisés, brûlés ou non et des éléments métalliques de diverses nature. Un carroyage a été mis en place sur cette zone afin de faciliter la géolocalisation des différents éléments, le prélèvement exhaustif de tout le sédiment et les analyses spatiales qui en découlent (St 19).
– une fosse à offrandes contenant de nombreux fragments de récipients en céramique, et en verre brisés, des clous en fer de différentes tailles, brûlés ou non et de nombreux restes carpologiques, installée par-dessus la section sud de l’enclos (St 16).
– un probable dépôt de résidus de crémation situé à l’ouest de l’aire de crémation, à l’intérieur de l’enclos, contenant du charbon et quelques esquilles d’os brûlées (St 18).
D’un point de vue chronologique, les éléments céramique provenant de la fosse à offrande et de la probable aire de crémation permettent de situer l’utilisation de cet ensemble à la période Augustéenne (entre 10 et le milieu du 1er siècle apr. J.-C.)
L’ensemble pourrait correspondre à une aire funéraire individuelle pour laquelle nous aurions les différentes étapes des funérailles représentées : dans un premier temps, l’aire de crémation a été installée (st 19), suivie de la sépulture secondaire à crémation (st 17). Dans un second temps, un enclos fossoyé rectangulaire aurait été installée à l’emplacement de ces structures pour délimiter l’espace funéraire. Puis, après un laps de temps qui nous échappe, un banquet funéraire a probablement été effectué en l’honneur du défunt, lors d’une cérémonie pour honorer sa mémoire et l’ensemble des éléments utilisés/consommés par les participants (vase en céramique, verre, ossements animaux, végétaux, métal…), ont été ensevelis dans la fosse à offrande (st 16), implantées sur l’enclos (côté sud).
L’enclos funéraire semble s’adosser sur une palissade, observée sur 116 m de long, orientée nord-est/sud-ouest, composée de 57 trous de poteaux espacés entre eux de manière régulière (tous les 1,20 m environ), possédant un diamètre d’environ 0,60 m et une profondeur conservées variant entre 0,20 et 0, 50 m., laissant présager une construction relativement imposante. Des coupes systématiques ont été réalisées pour chaque poteaux afin d’observer leur profil et tenter de récupérer du mobilier pour affiner leur datation. Seuls quelques charbons ont pu être collectés. D’un point de vue chronologique, cette palissade est postérieure à l’enclos funéraire (deux trous de poteaux recoupent l’enclos), donc postérieure à l’époque Augustéenne. Les datations radiocarbones réalisés sur les charbons récoltés semblent corroborer cette datation (Poz-93587 : 1935 +/- 30 BP, soit 1-130 AD). Il pourrait peut-être s’agir d’une limite d’un domaine antique dont nous aurions exhumé la tombe du ou d’un des propriétaires ?
Le secteur médiéval, peu densément occupé, semble s’organiser en deux pôles : à l’ouest, les fonds de cabanes excavés et un probable bâtiment sur poteaux de taille réduite (2,70 m x 1,50) et à l’est, un important bâtiment sur poteaux mesurant plus de 15 m de long sur 7 m de large. Les deux secteurs sont séparés par une zone quasiment vide laissant présager la présence d’espaces de circulation. Dans l’angle nord-ouest de la zone, un large fossé orienté sud-est/nord-est borde la zone d’habitat. La moitié sud-ouest de l’emprise est exempte de structures à l’exception d’un fond de cabane excavé associé à une grande fosse polylobée, dans laquelle deux fosses détritiques ont été aménagées a posteriori. Il s’agit de la seule structure ayant livré des tessons de céramique micacée caractéristique du sud Alsace et permettant de dater l’occupation du site du Premier Moyen Âge (VIIe-XIIIe siècle). Des datations radiocarbones ont été réalisées sur des charbons ou des dépôts de faune provenant des fonds de cabanes excavées. Les datations ainsi obtenues permettent de resserrer la fourchette chronologique entre le milieu du VIIe et la fin du IXe s.
Le bâtiment 1, situé au nord-est du secteur 2, mesure 15 m de long et 6 m de large. Son plan est rectangulaire et se compose 6 à 7 poteaux sur les longs côtés et de 3 poteaux sur les petits côtés. Des supports centraux, alignés sur ceux des côtés, séparent le bâtiment en deux nefs. Ce bâtiment est orienté nord-est/sud-ouest.
Le plan exact du bâtiment 2 est plus hypothétique. Il pourrait s’agir d’un bâtiment rectangulaire pouvant mesurer jusqu’à 6,90 m de long (en incluant le fond de cabane 37) ou 3,50 m (du poteau 29 au poteau 165) et environ 2,50 m de large. Il pourrait se composer de 4 à 5 poteaux sur les longs côtés et de 3 à 4 poteaux sur les petits côtés. Des poteaux centraux séparent le bâtiment en deux nefs. Son orientation est identique au premier bâtiment (nord-est/sud-ouest).
Une sépulture à inhumation a été mise au jour au sud du bâtiment 1, en bordure d’emprise du secteur de fouille. Le défunt, un homme adulte, était déposé dans un contenant rigide en bois matérialisé sur le fond de la fosse, par des traces ligneuses. À ses pieds était placé un récipient en céramique, incomplet et volontairement brisé. Il s’agit d’une moitié de marmite à oreille percée en céramique à technique mixte en pâte micacée à décor de lignes ondées réalisées au peigne sur la panse et à décor piqueté au poinçon sur le dessus de la perforation. Il porte des traces d’utilisation en contexte domestique (face interne et externe). Cette forme de récipient en pâte micacée est rare dans les contextes alsaciens. Quelques exemplaires de marmites avec des trous ou des oreilles de suspension perforées en pâte claire alsacienne sont connus dans la région et datés des VIIe et VIIIe siècles. D’autres, en pâte orangée, sont datés du milieu du Xe jusqu’à la fin du XIIe siècle. Une datation radiocarbone réalisée sur les os du squelette a permis de confirmer ces datations (Poz 93866 1235 +/- BP : soit 686-880 AD ; 2 sigmas).