Le village de Logelheim est situé au sud-est de Colmar, dans la plaine alluviale de l’Ill. Malgré des gisements archéologiques reconnus sur les communes voisines, le territoire de Logelheim même reste largement inexploré en termes de vestiges (seuls ce contexte et quelques prospections au sol permettent de pressentir son potentiel archéologique, en particulier pour la période gallo-romaine).
La prescription d’une intervention archéologique préventive sur le site du lieu-dit Les Pâturages 2 (commune de Logelheim, Haut-Rhin) répond au projet d’aménagement d’un lotissement éponyme par SOVIA sàrl. Au total, environ 8000 m² de terrain ont été décapés et fouillés, dans la partie est du projet d’aménagement, au cours des mois d’octobre et novembre 2016. Cette opération confirme, pour les périodes protohistorique et gallo-romaine, le potentiel archéologique déjà pressenti. Ainsi, les vestiges observés sur le site des Pâturages 2 s’échelonnent de La Tène B-C jusqu’au Bas-Empire. Il convient cependant de modérer cette assertion, eu égard à la faible quantité de mobilier mis au jour sur le site.
Ces occupations humaines sont précédées d’un certain nombre de témoins de paysages anciens. Si un vaste terrier de blaireau est stratigraphiquement positionné comme antérieur à la période gallo-romaine, sans plus de précision, en revanche les écofacts situés au sud de l’emprise ont permis, par l’application des protocoles de documentation et d’analyse développés dans le domaine de l’écologie forestière, de dater les épisodes de chablis du Néolithique moyen. Les dimensions imposantes de ces chablis militent en faveur d’arbres de forte taille, probables témoins d’un paysage de forêt ancienne au sud de l’emprise du site. Toutefois, seule l’antériorité de cette forêt à l’époque gallo-romaine est acquise, et il ne nous est pas possible d’établir avec certitude qu’elle ait subsisté jusque-là (du fait par exemple d’éventuels défrichements antérieurs).
L’occupation humaine la plus ancienne du site Les Pâturages 2 est constituée de trois ensembles de vestiges attribuables à un intervalle fin de La Tène ancienne/La Tène moyenne, jusqu’à La Tène finale : un puits, un ensemble de trous de poteaux dessinant soit un bâtiment à abside soit deux greniers juxtaposés, et une sépulture « monumentale » composée de deux inhumations circonscrites dans un enclos quadrangulaire, aménagement funéraire inédit en Alsace pour cette période, et qu’il convient de rapprocher des concentrations de cercles funéraires protohistoriques des communes avoisinantes (forêt de Kastenwald, village de Sainte-Croix-en-Plaine). Si ces différentes structures sont spatialement déconnectées les unes des autres, il est en revanche intéressant de noter leur relative concentration dans le tiers nord de l’emprise.
Les deux tiers sud de l’emprise sont quant à eux marqués par un ensemble palissadé qui se développe au sud et à l’est, en dehors de l’emprise prescrite. Les vestiges fouillés (partitions palissadées internes, puits, concentrations désorganisées de trous de poteaux et de fosses) indiquent que nous nous trouvons dans les espaces et aménagements extérieurs (probablement dédiés en partie à l’élevage) d’un site plus vaste, dont les ensembles résidentiels et productifs/artisanaux restent à explorer (sud et/ou est de l’emprise). L’étude du mobilier et les datations radiocarbones caractérisent conjointement une occupation a priori continue du Ier siècle de notre ère, jusqu’au dernier tiers du IIIe siècle, au plus tard à la première moitié du IVe siècle. Du fait même de sa continuité, cette occupation a sans aucun doute subi des mutations organisationnelles dont il sera nécessaire de tenir compte lors d’éventuelles fouilles ultérieures du site.
Le glissement spatial vers le sud des deux occupations repérées, autant que leur stricte séparation planimétrique, soulèvent des interrogations :
En l’état de nos connaissances sur le site, ces remarques demeurent toutefois à l’état d’hypothèses, avec toutes les réserves qui s’imposent.
Au cours du Bas-Empire, l’occupation humaine du site prend fin. Elle fait place, au plus tard à l’époque Moderne (comme en témoignent les quelques vestiges documentés), à des espaces agricoles qui perdurent jusqu’à nos jours.
Les résultats de cette opération permettent ainsi d’esquisser d’une part une occupation à la fois domestique et funéraire de l’époque laténienne, et d’autre part un établissement rural de la période gallo-romaine. Toutefois, des explorations archéologiques futures demeurent indispensables à leurs délimitations spatiales autant qu’à leur compréhension.