Un projet d’aménagement d’une halte ferroviaire sur le banc communal de Danjoutin au lieu-dit « Halte ferroviaire » a motivé la réalisation d’une fouille d’archéologie préventive sur une portion de la pars rustica de la villa romaine de Danjoutin, déjà partiellement explorée en 1994 (Mazimann 1995). Cette opération, effectuée par la société ANTEA-archéologie entre le 23 mars et le 24 avril 2015, a permis de mettre au jour un bâtiment quadrangulaire, ainsi que trois murs attenants et une fosse quadrangulaire excavée dans le substrat calcaire. Le bâtiment mesure 10 m de côté et présente, outre quatre murs partiellement conservés, une portion de son sol constitué par un terrazzo (US 20 fig. 1 et 3).
Les structures documentées lors de l’opération de fouille, à savoir le bâtiment 1 (« salle F »), ainsi que le probable bâtiment 2 (« Bâtiment 3 bas ») constituent, avec les bâtiments « Bâtiment 1 bas » et « Bâtiment 2 bas » (Mazimann 1995, p.27) (fig. 2), la portion méridionale de la pars rustica d’une villa à pavillons multiples alignés. Ces quatre bâtiments sont répartis à intervalle irrégulier le long d’un axe nord-est / sud-ouest, ce dernier étant matérialisé par le « mur d’enceinte » documenté lors des fouilles de 1994 (Mazimann 1995, p.27). Cette limite de la pars rustica semble également marquée par la présence, au sud de ce mur, d’une dépression dans le terrain, marquant peut-être une limite de la propriété foncière de la villa.
Ainsi, seule une infime portion méridionale de la pars rustica serait conservée sur le site de Danjoutin. Le reste, situé plus au nord à l’ouest, a disparu sous les habitations actuelles. Le mur de clôture, observé lors des fouilles de 1994, comprenant un prolongement au nord-ouest (fig. 2) et observé uniquement dans une tranchée, a très bien pu constituer la limite septentrionale de la pars rustica. L’espace entre ce mur septentrional et le mur méridional constituerait ainsi la cour centrale de la pars rustica. A nouveau, la très mauvaise conservation des vestiges, et ce principalement dans les parties hautes de la villa, empêche toute affirmation. Il en va de même pour les limites occidentales de cet établissement. En effet, la construction en 1875 de la voie ferrée Belfort-Delle a considérablement oblitéré les vestiges. Malgré cela, des structures romaines semblent avoir été observées lors de ces travaux. Aucun relevé ou croquis n’a été réalisé, mais des « substructions » auraient été mises au jour, ainsi que des fragments d’enduits peints (Liblin 1877, p. 121-122).
La fonction des bâtiments mis au jour lors de l’opération de fouille n’a pu être déterminée. En effet, les vestiges mobiliers et immobiliers documentés sont insuffisants pour proposer une fonction particulière. Aucun élément caractéristique des travaux agricoles, tels que des outils ou des pots de stockage de grande contenance n’a été mis au jour. Cette constatation avait également été faite lors des fouilles de 1994 (Mazimann 1995, p.38) malgré quelques éléments récoltés qui avaient été attribués à de l’élevage, notamment grâce à la présence d’une cloche en fer et d’une broche à rôtir. Néanmoins, nous pouvons souligner le fait que les éléments de la vaisselle en céramique mis au jour sont caractéristiques du domaine domestique, avec des individus servant à préparer ou consommer des aliments et des boissons.
L’indigence de mobilier compromet également la datation précise des vestiges. Tout au plus pouvons-nous appuyer les propositions émises en 1994, à savoir que le bâtiment 1 (salle F, bâtiment 3) a été édifié au plus tôt à la période flavienne et son abandon est situé dans le courant du IIIème s. apr. J.-C., comme le suggère la découverte de la céramique métallescente de Lezoux et la coupe en sigillée argonnaise découvertes dans les niveaux de destruction et d’abandon des différentes structures. Concernant les murs formant peut-être le bâtiment 2 («Bâtiment 3 bas »), aucun indice chronologique clair n’a pu être mis en évidence. Toutefois, leur insertion stratigraphique appuie l’hypothèse d’un fonctionnement contemporain du bâtiment 1. Seule la fosse St. 1 semble avoir été abandonnée au cours de la première moitié du IIème s. apr. J.-C. Il convient de constater que sur la zone prescrite, aucun vestige n’est antérieur au Ier s. apr. J.-C. et que cette partie de la villa semble être, après son abandon, très ponctuellement réoccupée, comme en témoigne la présence du foyer St. 10, installé sur le radier de sol du bâtiment (fig. 1).
On notera pour finir la découverte d’une coupe de type Chenet 320 au cours du décapage du bâtiment, ornée d’un décor à la molette dont la datation peut-être échelonnée entre 330 et 450 ; celle-ci permet d’envisager une possible réoccupation des lieux. Des indices allant en ce sens ont également été mis au jour lors de la fouille de la pars urbana de la villa (Mazimann 1995, p.38).datations déjà proposées lors des fouilles de 1994, à savoir une construction à la période flavienne ou au plus tard au début du IIe s. apr. J.-C et un abandon dans le courant du IIIe s. apr. J.-C.
Cette opération de fouille s’inscrit donc dans la continuité des recherches effectuées sur le site de la villa de Danjoutin et corrobore en partie les observations réalisées en 1994. Elle a permis d’étoffer les connaissances sur la pars rustica de la villa romaine de Danjoutin, malgré un nombre de vestiges mobiliers et immobiliers très restreint et notamment de compléter le plan de la villa.