La localité de Colmar est située au débouché de la vallée de la Weiss et de la Fecht, à l’ouest de l’Ill, au pied des premières sous-collines vosgiennes. L’agglomération est traversée par la Lauch, le Muhlbach, l’Ill et la Thur. Son terroir est partagé entre les sables utilisés pour les vignes et les terres noires humides comprenant la forêt du Niederwald et les prairies du Ried. Au sud-ouest de Colmar, le long de la route de Rouffach, s’étend une nappe de lœss propice à l’établissement de sites pré- et protohistoriques. Le village de Houssen est situé quant à lui sur la rive gauche de l’Ill, en lisière du bassin alluvial de la rivière, tout comme les habitats protohistoriques et romains de la commune. Les sites au sud du village occupent une légère levée limoneuse sur le cône de déjection de la Fecht et se trouvent actuellement dans une zone inondable.
En 2014, des structures appartenant à cinq périodes distinctes ont été répertoriées. Une seule structure date de la fin du Néolithique (Horgen). Trois sont attribuables au Bronze ancien et huit au Bronze final, deux au Hallstatt D3. La période la mieux représentée est sans conteste La Tène finale (284 structures) dont trois structures appartiennent à la transition La Tène D2b-Augustéen. Elle est suivie par la période romaine (95 structures) surtout représentées par des fragments de tegulae découverts dans les comblements supérieurs des fossés et comme calage de trous de poteau. À noter également une petite zone funéraire accueillant trois crémations du IIe siècle apr. J.-C. dont deux étaient protégées pas des bâtiments sur poteaux. Enfin, quelques structures datent de la période moderne/contemporaine dont une série de bornes parcellaires limitant les communes de Colmar et Houssen.
Néolithique final (Horgen)
La phase Horgen n’est représentée que par une seule structure. Elle se situe dans la partie ouest de l’emprise décapée. Il s’agit d’une fosse de plan circulaire (1,10 m de diamètre), aux parois sub-verticales et à fond aplani (50 cm de profondeur) qui a livré deux vases et deux pesons en terre cuite.
Le Bronze ancien
La présence d’un habitat Bronze ancien est connue depuis la découverte de deux fosses en 1994. L’opération menée sur l’emprise de la future Base de Loisirs et Rue Denis Papin a montré que cette occupation se poursuivait sur les parcelles voisines, vers l’est et le sud. Au total, trois structures du Bronze ancien ont été fouillées en 2014 et du mobilier de cette période a également été découvert en position secondaire dans des structures plus récentes. Même si le corpus céramique reste faible et qu’aucun plan de maison ne nous soit parvenu le site de Colmar-Houssen constitue un des plus bel ensemble Bronze ancien aujourd’hui connu en Alsace. Les structures fouillées en 2014 se situent dans la partie ouest de l’emprise décapée. Il s’agit de deux probables puits et d’un trou de poteau. Dans le cas de ce dernier, qui fait partie d’un bâtiment daté de la fin de la période laténienne, le mobilier daté du Bronze ancien (un fragment d’anse en ruban) est en position résiduelle. L’un des puits (St. 6291) possédait un cuvelage monoxyle en chêne. Le bois n’ayant pu être daté par dendrochronologie, deux fragments d’os ont été envoyés pour datation 14C. Les résultats de ces analyses permettent de placer cette structure entre 2000 et 1775 av. J.-C. Le second puits présente un profil en entonnoir et n’a pas livré de bois. La comparaison des quelques vases recueillis dans son comblement permet de dater ce puits de la même période que le premier. L’ensemble, fouillé de 1994 à 2014, forme un site totalisant 25 fosses, deux puits et un trou de poteau. Ces structures sont réparties de manière assez lâche, sans qu’une organisation spatiale particulière puisse être reconnue.
Le Bronze final
Huit structures sont attribuables au début du Bronze final. La grande majorité est localisée dans le quart nord-ouest de la zone décapée. Les structures attribuées à cette période sont quatre fosses, trois trous de poteau et un puits (sans présence de bois). De nombreuses découvertes de cette période ont également été mises au jour lors des fouilles de 2008. Les mobiliers découverts en 2014 sont : une épingle à tête de pavot (St. 6087), des fragments de meules et broyons et un petit lot céramique qui permettent de placer cet habitat au Bronze final Ia.
Le Hallstatt D3
Cinquante structures datées du Hallstatt D3 ont été mises au jour depuis 1994. Les deux fosses 6021 et 6430, fouillées en 2014, atteignent toutes deux la nappe phréatique sans que nous puissions prouver qu’ils s’agissent de structures à eau. La fosse 6021 (diamètre de 1,50 m ; profondeur de 0,70 m) de plan circulaire présente des parois légèrement tronconiques et un fond en cuvette. Trois couches distinctes ont été notées la dernière accueillant une roue en bois posée à plat au contact de l’eau. Il s’agit d’une roue tripartite à éclisses en frêne et érable. Ce type de roue apparaît au troisième millénaire au Moyen-Orient. En Europe, des spécimens équivalents sont essentiellement connus dans des contextes palafittiques de l’âge du Bronze.
La Tène finale
Le site de La Tène finale débute à La Tène C2-D1a (Etape 1) et perdure jusqu’à l’époque augustéenne. À ce jour, 70 bâtiments sur poteaux ont été mis au jour sur les 11 ha décapés. Ils sont essentiellement localisés à l’ouest d’un fossé parcellaire qui barre le site du sud au nord qui continue à être utilisé jusqu’au IIe siècle apr. J.-C. et sert ensuite de limites à une nécropole romaine. Les types de bâtiments recensés en 2014 sont équivalents à ceux répertoriés en 2008 (Roth-Zehner 2009a).
Des séries de fossés, dont un enclos quadrangulaire, constituent les premiers aménagements du site. L’enclos, situé au sud-est de l’emprise de la fouille n’entourait pas d’habitations mais servait plutôt de pacage comme le laisse supposer la présence de coprolithes dans son remplissage et dans les fosses contigües au fossé. C’est aussi dans ce secteur, et pour la même période, que des activités de rouissage ont été découvertes dans deux fosses qui ont livré des restes de fibres textiles. Deux puits ont également été mis au jour dont l’un (7164) avait conservé un cuvelage quadrangulaire en bois (abattage des bois au printemps 147 av. J.-C.). Les rejets de fours de potier découverts dans trois structures localisées dans l’angle sud-ouest du décapage datent également de cette première étape du site, comme l’ensemble de la production potière de cet habitat (Roth-Zehner 2015).
L’étape 2 (La Tène D1b-D2a) n’est représentée que par huit fosses localisées dans la partie ouest du site, le noyau se trouvant dans un secteur situé au sud-est de notre emprise, fouillé en 2008.
Les structures de l’étape 3 (La Tène D2b) également situées dans la moitié ouest du site sont les plus nombreuses (23 structures). Il s’agit de fosses, trous de poteau/bâtiments et portions de fossés. Cette étape se caractérise par la présence marquée d’amphore Dressel 1b et de dolia de type Zürich-Lindenhof.
Enfin, trois structures datent de l’étape 4, période charnière entre La Tène D2b et le début de l’époque augustéenne, toujours localisées dans la même zone que les deux étapes précédentes.
Une partie des bâtiments n’a pu être datée faute de mobiliers. Les types sont identiques à ceux repérés en 2008 et les fosses à proximité supposent une datation récente de la fin de La Tène D1b à La Tène D2b. Ces installations sont également orientées de manière identique à celles mises au jour en 2008 et appartiennent donc probablement aux étapes 2 à 4 du site.
L’époque romaine
Deux bâtiments romains, qui ne peuvent être datés avec précision, ont été repérés dans l’angle nord-ouest de la surface décapée, au-delà d’un fossé qui semble limiter un petit habitat rural qui doit certainement fonctionner avec l’établissement fouillé en 1993. Un puits complète ce site.
Enfin, une petite nécropole a été aménagée le long du fossé sud-nord qui structure l’habitat depuis l’étape 2 du site. Le fossé semble avoir été une limite parcellaire jusqu’au IIe siècle apr. J.-C., date à laquelle s’établit le petit groupe funéraire à l’est de ce dernier. Il est composé de deux importants monuments funéraires sur poteaux (4 et 9 poteaux) datés des deux derniers tiers du IIesiècle de notre ère. Cette architecture, bien connue à l’époque laténienne moyenne et finale en Champagne-Ardennes, est rare dans nos contrées. Une seule tombe de ce type est aujourd’hui connue et datée de La Tène D1 à Hatten (fouilles 2015, étude en cours). Ce type de monument funéraire reste très peu connu en Gaule à l’époque romaine ce qui fait de Colmar – Rue Denis Papin un site de référence. La présence d’aménagements funéraires ostentatoires, d’un abondant mobilier céramique composé notamment de vaisselle de table liée à la pratique du banquet et de denrées alimentaires rarement mises en évidence comme le pain, donnent à ce petit groupe funéraire familial, un caractère particulier. Il s’inscrit vraisemblablement au sein d’un vaste domaine agricole du Haut-Empire constitué d’un établissement rural dont la pars rustica aurait peut-être été découverte lors des fouilles de 1993.
Observé sur une surface de 11 ha environ, le site de Colmar-Houssen (fouilles 1994-2014) s’est révélé riches en découvertes, de l’époque de Munzingen à l’époque contemporaine. Il est aussi aujourd’hui le site gaulois de plaine le plus étendu connu dans la plaine rhénane. Cet habitat se distingue nettement des occupations rurales répertoriées jusqu’alors. Il s’agit d’un habitat ouvert, qui se déplace géographiquement dans le temps, et qui perdure jusqu’au IIe siècle apr. J.-C. Les fossés parcellaires, qui structurent en partie ce territoire, sont repris à l’époque romaine. Le nombre de bâtiments repérés sur le site (70) est également remarquable. A la fin de la Tène D1 et à La Tène D2, le site se structure : les bâtiments sur poteaux sont tous orientés de la même manière et sont placés le long d’un important fossé encore utilisé au second siècle de notre ère. L’activité artisanale principale semble être la poterie avec la découverte de 7 fours de potiers et de plusieurs fosses à rejets. Les fosses découvertes en 2014 se trouvent dans une zone hydromorphe : peut-être s’agit-il de fosse d’extraction d’argile qui a servi à la production ?
En définitive, le site se développe jusqu’au IIe siècle, avec un petit habitat augusto-tibérien et quelques tombes isolées de la première moitié du Ier siècle apr. J.-C. (fouilles 1994 et 2008) suivi d’un établissement rural de la fin du Ier et du second siècle apr. J.-C. (fouilles 1993). C’est avec cette dernière phase antique du site que se développe la petite nécropole élitaire avec des monuments funéraires sur poteaux, architecture aujourd’hui unique pour cette période dans tout le bassin rhénan.