Cette fouille fait suite à une opération de diagnostic positive découlant du projet de construction de trois collectifs. Les parcelles concernées par la fouille sont situées en face du collège de Brumath, à quelque 300 m au nord-ouest du centre-ville.
Outre la fosse datée du Hallstatt découverte à l’est du site, et une fosse du bas Moyen Âge située au sud-ouest du terrain, les vestiges mis au jour sont tous attribués à la période gallo-romaine. La fouille a révélé les restes d’îlots orthogonaux, agencés de part et d’autre d’une voie, implantés en plein coeur du quartier des potiers, dans un secteur qui n’avait encore jamais été documenté. Trois autres voies, secondaires, ont également été mises au jour : l’une est parallèle au decumanus et se développe à l’arrière d’un grand bâtiment, les deux autres lui sont perpendiculaires.
Le decumanus mis au jour diffère légèrement de l’orientation est-ouest généralement reconnue à Brumath, puisqu’il est clairement orienté nord-ouest/sud-est, orientation qui se répercute sur l’ensemble des vestiges dégagés, agencés parallèlement ou perpendiculairement à la voie. Cette orientation correspond également à celle des thermes dégagés dans les années 1970 par E. Kern.
La présence de deux petits fours datés du Ier s. de notre ère vient confirmer que l’on se situe bien dans le secteur des officines de potiers.
Une trame urbaine remontant à la fin du Ier s. av. J.-C.
L’occupation mise au jour, essentiellement constituée d’éléments de parcellaire structurant les îlots, de bâtiments et de structures d’équipements diverses, s’échelonne entre la fin du Ier s. av. J.-C. et le IVe s.de notre ère.
Des restes ténus, comportant très peu de mobilier, signalent une première occupation du site durant la période augustéenne, cantonnée au nord du site et délimitée par un grand fossé déjà orienté nord-ouest/sud-est se développant à quelques mètres seulement au sud du decumanus. La présence d‘un niveau de loess gris compacté sous la première recharge de la voie, indique que ce tracé existait déjà sous quelque forme que ce soit et ce depuis un temps indéterminé.
Fréquentation au Ier s. : mise en place de la voie et installation des potiers
Il est intéressant de constater que l’îlot sud-est dans un premier temps principalement dédié à l’artisanat de la poterie, avec une première mise en place d’une délimitation parcellaire, et que les traces d’un hypothétique bâtiment en matériaux légers ont été observées en bordure de voie. L’insula nord est quant à elle moins occupée : s’y développent un premier bâtiment fonctionnant avec un système fossoyé, ainsi qu’une cave ou un fond d’habitat excavé.
Dans un second temps, la petite officine de l’îlot sud-est abandonnée, et peut-être déplacée vers l’îlot nord. Dans un même intervalle, soit, entre 40 et 70 de notre ère, le decumanus fait l’objet de nouveaux travaux au cours desquels la voie est élargie et doublée d’un nouveau fossé bordier, situé cette fois-ci sur son flanc nord.
Fin Ier-IIe s. : développement d’un habitat dense et structuré au sud – un îlot peu structuré au nord
À la fin du Ier s., on assiste à un développement décisif de l’îlot sud où apparaissent sur toutes les parcelles des habitats semi-excavés ou fondés sur plots. À partir de cette phase, ce secteur va connaître un développement croissant durant lequel les occupations vont se succéder les unes après les autres, selon différents procédés visant à toujours réinvestir les mêmes espaces, avec le même type de structures, et ce jusqu’au milieu du IIIe s. Les structures d’habitat vont également au fur et à mesure du temps, s’enrichir de structures sanitaires, ou destinées au stockage…
Toutefois, tout au long de ces réaménagements successifs, les limites parcellaires sont respectées et reconduites sous différentes formes au cours du temps (palissade de piquets, fossés palissadés, fossés peu profonds ou radiers destinés à supporter des murets…).
Parallèlement, l’îlot nord ne subit aucune modification pendant un très long laps de temps, ce qui est d’autant plus étonnant dans la mesure où l’occupation originelle était exclusivement cantonnée à cet espace. Ce n’est qu’au cours de la phase VI, soit courant de la seconde moitié du IIe s., qu’un bâtiment de plain-pied, le Bâtiment 8, fait son apparition, en bordure de la voie, reprenant de façon sans doute non hasardeuse le tracé d’un chapelet de fosses qui se développait à cet endroit au cours de la première moitié du Ier s., et que le Bâtiment 1 au nord du site est assorti d’une cave.
Milieu IIe s. : « monumentalisation » des espaces en bordure de voie
La densification de l’îlot nord va de pair avec la mise en place dans l’insula sud d’un grand édifice public (Bâtiment 5) construit en dur et doté d’une cave maçonnée ornée d’enduits peints et d’une probable cuisine avec un sol en terrazzo. La mise en place de ce nouvel édifice engendre une modification importante au niveau de la voie : l’abandon et le comblement du grand fossé bordier sud avec la mise en place d’un portique matérialisé par des plots en grès, implantés dans l’ancien fossé, parallèlement à la voie et au mur nord du bâtiment. À l’arrière du bâtiment est installée une petite venelle, parallèle à la voie, et permettant probablement d’accéder aux installations situées à l’arrière. Cette volonté de monumentaliser l’espace va se traduire dans la foulée au sein de l’îlot nord par la mise en place d’une voie, d’un cardo secondaire, et d’une sorte d’esplanade en gravier, tous deux destinés à mettre revaloriser le Bâtiment 1.
Milieu IIIe s. – IVe s : une période de crise et une réoccupation des lieux
Un changement radical intervient vers 230/240. Le Bâtiment 5 est incendié et réoccupé sporadiquement comme en témoignent quelques fosses dont la nature nous échappe. Toute la parcelle sud de l’îlot sud-est abandonnée, et aucune occupation n’a été observée. Cette restriction de l’occupation comporte des similitudes avec ce qui se passe à la même époque 13, rue du Château. Sur le site du 8, rue du Collège, on enregistre toutefois une persistance à occuper les lieux dans la mesure vers la fin du IIIe s., l’ossature du Bâtiment 5 est réutilisée comme habitat. Dans un même temps, une nouvelle voirie, parallèle au decumanus et approximativement dans le prolongement du cardo nord, est implantée par-dessus le bâtiment.
Parallèlement, de nouveaux éléments de parcellaires reprenant les tracés antérieurs sont réimplantés, et plus particulièrement en limites sud et nord de la parcelle méridionale. Tous ces éléments ayant été par la suite totalement arasés, il est impossible de dire à quand remonte la dernière occupation des lieux.