Réalisée en amont d’un projet de lotissement de la société SOVIA, l’opération de diagnostic archéologique sur la commune de Bischwihr, lieu-dit « Muelhaecker » (Latron et al. 2011), a conduit à la mise en place d’une problématique visant à, d’une part, mieux cerner l’occupation funéraire datée du Néolithique ou de la Protohistoire qui avait été révélée par la mise au jour de deux sépultures et, d’autre part, préciser les modalités de mise en place et les relations que pouvaient entretenir une couche hydromorphe évoquant un paléosol et l’occupation de l’Age du fer matérialisée par des fosses et des trous de poteau. La fouille a permis la mise au jour de plusieurs occupations datant de différentes périodes (fig. 1).
Les plus anciens vestiges découverts sont neuf sépultures (en incluant les deux mises au jour lors du diagnostic) datant de l’Age du Bronze ancien, situées à peu près au centre de l’emprise et disposées sur une bande d’une quinzaine de mètre de long pour presque cinq de large, grossièrement orientée selon un axe est-sud-est / ouest-nord-ouest.
Elles contenaient les restes de dix individus (un nouveau-né, quatre enfants et cinq adultes), sans aucune dotation funéraire. Le mauvais état de conservation de la matière osseuse n’a permis de déterminer le sexe que dans le cas de deux femmes.
Une série de six datations 14C ont été réalisées mais seule celle effectuée sur le fragment du squelette 383 a livré un résultat : Poz- 47224 : 3570 ± 35 BP soit 1973-1882 av. J.-C. à 1 σ.
Différents indices amènent à envisager, pour au moins trois sépultures, l’existence d’une architecture en bois. En particulier, dans la sépulture double 388, quatre trous de poteau ont été mis au jour, chacun situé au milieu d’un des côtés de la fosse. Les traces plus succinctes de quatre autres creusements ont, en outre, été repérées aux quatre angles de la fosse, évoquant ainsi une possible superstructure sur huit poteaux.
Les corps des défunts ont été déposés en position fléchie (ou, pour le moins, leurs jambes repliées) sur le côté droit, tête à l’est ou sur le côté gauche, tête à l’ouest. Les deux femmes avérées font partie des individus inhumés sur le côté droit.
On retrouve au travers des observations effectuées sur le petit ensemble de Bischwihr les caractéristiques principales des pratiques funéraires du Bronze ancien récemment mis en évidence par P. Lefranc (Lefranc et al. 2010) : petites nécropoles d’une dizaine de tombes, individus en position fléchie sur le côté selon un axe préférentiellement Est-Ouest, latéralisation sexuée des défunts (femmes sur le côté droit, tête à l’ouest, hommes sur le côté gauche, tête vers l’est), mobilier funéraire extrêmement rare et, le cas échéant, uniquement métallique.
L’existence, pour certaines tombes de Bischwihr, d’une probable architecture funéraire en bois et la présence d’une sépulture double marquent toutefois une certaine originalité au sein du corpus régional.
A une échelle plus large, Bischwihr (et à fortiori le sud de la plaine du Rhin supérieur, exception faite du site de Riedisheim « Bonnetrei Wassmer-Rapp ») partage des liens étroits avec les ensembles funéraires des groupes du Bronze ancien du Sud-Ouest de l’Allemagne (groupe d’Arbon et de Straubing), bien que les ensembles régionaux se distinguent par l’extrême pauvreté de leur mobilier.
Après quelques siècles, un habitat s’implante sur le site durant la phase moyenne / finale de l’Age du Bronze. Seules quelques fosses ont été mises au jour, ainsi qu’une épingle en alliage cuivreux découverte au décapage, ce qui ne permet pas de caractériser correctement ce site. Il faut toutefois souligner la rareté des habitats de cette période dans le sud de la plaine du Rhin supérieur.
Le site se développe surtout à partir du Hallstatt D3 / La Tène A-B. Des artefacts ont été recueillis dans la zone hydromorphe localisée dans le quart sud-est de la fouille et quelques fosses et trous de poteau ont livré du mobilier céramique. Les trous de poteau et les remplissages stratifiés des fosses supposent l’existence d’un habitat à proximité, mais aucune organisation particulière n’a pu être appréhendée. Il est toutefois possible que deux bâtiments sur poteaux appartiennent à cette phase.
L’occupation du site se poursuit durant La Tène finale. Les fosses, avares en mobiliers, ne permettent pas de proposer une fourchette chronologique serrée. C’est toutefois dans une fosse laténienne qu’a été mis au jour un lingot bipyramidal en fer. Il s’agit du premier lingot découvert en contexte daté. Cette découverte est exceptionnelle en fouille.
Les bâtiments mis au jour au sud du décapage appartiennent certainement à cette même phase. L’habitat était composé d’une petite habitation et d’une série de greniers à 4 poteaux, situation classique pour cette période.
Une dernière phase a été répertoriée : il s’agit du début de l’époque romaine. Les structures datées de cette période sont des fossés faisant probablement partie d’un réseau parcellaire qui reprenait en partie des limites fixées aux époques antérieures.
Enfin, la découverte, lors du décapage, d’éclats d’obus, rappelle les violents combats ayant eu lieu lors du franchissement du canal de Colmar en 1945.