La fouille d’archéologie préventive, située rue des Lilas à Biesheim, a été motivée par la construction de quatre logements collectifs. Le chantier d’une surface de 1200 m² s’est déroulé du 20 novembre au 02 décembre 2019. Il a permis d’étudier un paléochenal, qui est connecté à ceux du site antique d’Oedenburg, et de montrer également que la zone fouillée se trouve hors de l’occupation antique, mais certainement non loin de celle du haut Moyen Âge. Des vestiges militaires du XXe siècle viennent compléter les connaissances sur ce secteur (fig. 1).
La surface décapée est à l’interface entre la basse terrasse Weichsélienne remaniée, en élévation à l’ouest, et le lit d’inondation historique du Rhin avant son aménagement au XIXe, en contrebas à l’est. Il en résulte un contraste sédimentaire important, observé lors du diagnostic et confirmé lors de la fouille. Les dépôts de la terrasse sont constitués d’une base grossière et d’un recouvrement limono-sableux, compact et sec, alors que ceux de la plaine sont des alluvions organiques ou des alluvions limono-argileuses, qui comblent d’anciens chenaux et des zones parfois humides.
La séquence sédimentaire et paléoenvironnementale du comblement du paléochenal montre une décroissance de la dynamique alluviale de l’âge du Fer jusqu’à l’Antiquité, puis un abandon définitif de ce paléochenal à partir du Moyen Âge central. La zone reste cependant très humide jusqu’à notre époque.
Vingt piquets en bois épointés ont été dégagés au fond du paléochenal (figs. 2 et 3). Ces piquets ont été mis en place en force dans le comblement. Ils ne présentent aucune caractéristique technique particulière et seule la datation radiocarbone a permis d’établir une date du bois utilisé pour certains d’entre eux. Sur les 11 bois datés, trois de notre fouille sont du haut Moyen Âge, ainsi que le piquet 08 du diagnostic. Tous les autres datent de la toute fin de l’époque Moderne ou Contemporaine, entre le milieu du XVIIe siècle et nos jours.
Concernant la fonction de ces piquets, il est difficile de faire des propositions, puisque leur faible diamètre ne leur permettait pas de faire partie de structures importantes. Ceux situés en bordure ouest du paléochenal ont pu faire partie de systèmes permettant de maintenir en place la berge, en association avec des treillages ou des planches, pratique utilisée pendant des siècles avant la canalisation du Rhin.
L’absence de bois et d’artefacts datant de l’époque romaine permet ainsi de confirmer les limites connues du site antique d’Oedenburg. La présence de piquets du haut Moyen Âge conforte l’idée d’une occupation de cette époque, supposée après la découverte de plusieurs objets mérovingiens et carolingiens lors de prospections pédestres à Unterfeld et après les fouilles de M. Reddé des sépultures du haut Moyen Âge de part et d’autre de la voie nord-sud, qui traverse l’agglomération antique.
Les cinq structures contemporaines sont liées à des dispositifs militaires. La nature des éléments métalliques et le type de céramique retrouvés indiquent que ces dispositifs sont très récents. En effet, l’ensemble du lot céramique est attribuable à la période postérieure au XVIIe siècle. La présence de mobiliers militaires allemands permet de lier ces découvertes au cantonnement de l’armée impériale dans le secteur de Biesheim entre 1902 et la fin du premier conflit mondial. Des structures militaires permettent d’ailleurs de confirmer cette présence, non loin du site de fouille, à deux cents mètres vers le nord. Elles composaient la défense nord de la Feste (Château fort ou forteresse en allemand) de Neuf-Brisach. Même si aucun combat n’a eu lieu autour de Neuf-Brisach durant ce conflit, les douilles peuvent indiquer des manœuvres d’entraînements autour des défenses allemandes.