Le projet d’aménagement d’un ensemble immobilier situé « rue des Ecoles », en bordure de la rivière la Douce, sur la commune de Bavilliers dans le Territoire de Belfort a permis de dégager une occupation gallo-romaine, constituée d’une voie et d’un ensemble de bâtiments agricoles. La fouille des 6800 m² prescrits s’est déroulée du 18 avril au 10 juin 2016. Les vestiges antiques dégagés constituent un ensemble important, dont le plan régulier montre une planification bien établie avant la construction (fig. 1). Ce sont les témoignages d’un vaste domaine, une villa, typique du mode de production agricole de l’époque romaine.
Le premier élément majeur que nous avons mis au jour est une voie orientée nord-est – sud-ouest, qui traverse le chantier sur toute sa longueur, encadrée par deux fossés bordiers. Au nord, elle est parallèle à un large fossé bordé par un muret, qui pouvait permettre de drainer le terrain et offrir un accès fluvial par la Douce pour de petites embarcations. Au sud de la voie, se développe le mur de clôture de la cours de la pars rustica. Trois vastes granges à porche se répartissent de façon régulière le long de ce mur et deux bâtiments à pièce unique s’intercalent entre les granges. Seule la grange située à l’est du terrain possède des aménagements particuliers, un foyer et une cave, des poteaux ont également été installés à l’intérieur de la plus vaste pièce afin de soutenir la charpente et une cloison recoupe cet espace. Cette grange était probablement dévolue à une activité domestique, comme logement des ouvriers agricoles par exemple. Le plan de ces bâtiments, constitué de quatre pièces (une rectangulaire encadrée par deux petites de forme carrée qui précèdent une grande halle rectangulaire), correspond au type décrit par Ch. Gaston comme « grange normalisée » ou « bâtiment standardisé » (Gaston 2008, p. 258).
Au sud des bâtiments, de nombreux trous de poteau dessinent les limites d’aménagements antiques, comme des palissades, qui permettaient de pratiquer différentes activités agraires ou pastorales. Selon l’étude de la céramique et des fibules, l’occupation de ce terrain a commencé pendant la période flavienne (69-96) et s’est poursuivie jusqu’au début du second tiers du IIe siècle (130).
Un vaste paléochenal (fig. 2), parallèle au cours actuel de la Douce, semble avoir été déconnecté du cours d’eau principal pendant l’occupation antique, puis il a repris son activité d’une façon soudaine avec un débit conséquent au cours du IIe siècle de notre ère. Cette inondation a ruiné plusieurs murs et bâtiments de la villa, nous supposons que l’occupation s’est alors déplacée vers l’est, dans le bâtiment où plusieurs restructurations ont été effectuées. Un incendie a certainement précipité l’abandon définitif de la pars rustica, le mobilier céramique témoignant de cet événement. Le paléochenal a ensuite empêché toute activité dans ce secteur jusqu’à l’époque moderne, puis il a subsisté dans le paysage sous la forme de dépressions linéaires engorgées d’eau.
Des pierriers et des trous liés à des plantations ou des limites de parcelles indiquent une réoccupation du terrain à l’époque moderne et/ou contemporaine. Les structures les plus récentes sont des trous et des éclats d’obus de la guerre de 1870. Ensuite, le terrain a été utilisé comme pâture jusqu’à notre époque.
Les résultats de cette opération permettent d’orienter les hypothèses d’interprétation de Bavilliers vers l’identification d’un domaine rural. Bien qu’il ne s’agisse que d’une partie d’un plan de pars rustica, il apparaît comme suffisamment caractéristique pour qu’il soit possible de le rapprocher des plans connus de villa. Cette observation renouvelle les connaissances sur le site et apporte un nouvel éclairage sur l’organisation générale des vestiges, en particulier ceux mis au jour lors de fouilles plus anciennes de la commune.