Zoom sur une plaque-boucle décorée en bois de cervidé

Publié le 28/09/2021
Près de 90 sépultures datées entre 550 et 990 découvertes par ANTEA Archéologie à Bavans, en Franche-Comté.

(Face antérieure du fragment de plaque-boucle – Crédit : Thomas Fiscbach, ANTEA-Archéologie)

La nécropole de Bavans (Franche-Comté), fouillée par ANTEA Archéologie en 2018, a livré près de 90 sépultures datées entre 550 et 990. C’est dans ce contexte que la sépulture 10, une tombe de femme adulte, a livré un fragment de plaquette en bois de cervidé. Cinq fragments ont pu être rassemblés formant la plaque quasiment entière d’une plaque-boucle. La position de l’objet, situé entre les fémurs de l’individu, pourrait correspondre à un dépôt de la ceinture sur les jambes.

La plaque est de forme légèrement trapézoïdale et mesure environ 10 cm par 4,5 cm, pour une épaisseur maximum de 1,4 cm. Sur un des petits côtés se trouve une fente destinée à la fixation de la lanière de la ceinture, probablement renforcée par trois rivets. L’autre petit côté présente une tranche légèrement convexe qui correspond à l’endroit où s’articulaient la boucle et l’ardillon. Les dimensions de la plaque ainsi que les rivets de fixation la rattachent à un type daté du deuxième tiers du VIIe siècle.

(Proposition de restitution de la plaque-boucle – Crédit : Olivier Chifflet/Thomas Fischbach, ANTEA-Archéologie)

Les tranches des grands côtés portent un décor d’ocelles encadrés de lignes. La face est ornée d’un motif zoomorphe central encadré de décors végétaux dans les angles.

Le motif central représente un quadrupède vu du profil droit, seules les pattes droites sont visibles. Les pattes sont terminées par trois doigts. Il possède une longue queue repliée au-dessus de son dos. Son garrot est plus haut que l’arrière-train et forme une bosse. Une ligne vaguement striée marque la limite entre le corps et la tête de l’animal. Sa tête, vue de son profil droit également, présente un long museau, la bouche entre-ouverte. Un petit appendice est visible à l’extrémité et au-dessus du museau. L’œil n’est représenté que par un simple point et deux petites oreilles ovales surmontent la tête. Cette représentation est comprise dans un losange formé par les décors végétaux des angles. Sous l’animal se trouve une croix grecque à extrémités bifides, alors que de part et d’autre et au-dessus de l’animal se trouvent des petits motifs à trois et quatre dents.

(Face antérieure du fragment de plaque-boucle – Crédit : Olivier Chifflet, ANTEA-Archéologie)

Dans les angles se développent des motifs végétaux constitués de branches simples et doublées terminées par des palmettes. Ces motifs sont inscrits chacun dans un espace en forme de goutte délimité par les branches doubles des palmettes situées sur les petits côtés de la plaque.

Le décor central ne semble pas correspondre aux styles animaliers mérovingiens habituels et aucun parallèle pour cette représentation zoomorphe n’a été trouvé même sur des exemplaires en métal.

Les plaques-boucles en os son connues dans une large zone de répartition géographique comprise entre Trèves, Béziers, Poitiers et Augsbourg. Selon certains auteurs, la plus forte concentration observée autour de la Saône, de l’Aar et du coude du Rhin à Bâle, dans laquelle se trouve le site de Bavans, pourraient indiquer une tradition burgonde.

Par ailleurs, le faible nombre d’objets de ce type recensés, 45 dans l’ensemble du monde mérovingien en ajoutant l’exemplaire de Bavans, laisse penser qu’il s’agirait d’un objet luxueux, notamment en raison des difficultés liées à sa fabrication. Toutefois, comme à Bavans, nombre de ces plaques-boucles étaient le seul objet dans la sépulture, ce qui rend difficile son interprétation liée au statut social du défunt.

Certains exemplaires étaient vraisemblablement des plaques-boucles reliquaires en raison de petits logements aménagés dans la plaque pour y placer la relique. Ces plaques-boucles en matières dures animales, reliquaires ou non, sont volontiers attribuées à des clercs, voir éventuellement à des abbés ou des évêques. Pour d’autres auteurs, ce serait plutôt l’attribut de pèlerins, en raison de la concordance entre la carte de répartition de ces plaques-boucles et la répartition des lieux de pèlerinages connus en Gaule à la fin du VIe siècle, mais aussi car certaines de ces plaques-boucles ont été découvertes dans des sépultures féminines, comme c’est le cas à Bavans, incompatible avec une fonction cléricale. Par ailleurs, dans certaines sépultures, la présence d’un couteau ou un sac attaché à la ceinture et un bâton de marche, comme celui découvert à Zurzach, renvoient au costume de pèlerinage connu jusqu’au bas Moyen Âge. Seul élément de mobilier funéraire dans la sépulture, la plaque-boucle de la sépulture 10 de Bavans a donc vraisemblablement un lien avec une plaque-boucle en alliage cuivreux à saynètes bibliques découverte lors de fouilles anciennes en 1962 sur le site. Cela peut laisser envisager l’existence d’un lieu de culte important à proximité de la nécropole.