L’exceptionnelle découverte d’un collier plastron du Hallstatt D1

Publié le 06/06/2022
Prenez connaissance des découvertes permises par la fouille préventive sur le site de Kolbsheim dans le Bas-Rhin.

(Fig.1 : Plan du site de Kolbsheim « Kurze Straenge » – DAO : C. Ceciliot)

Contexte de la fouille

Une fouille d’archéologie préventive a été menée en 2019 par ANTEA-Archéologie à Kolbsheim « Kurze Straenge » (Bas-Rhin), dans le cadre du vaste projet autoroutier A 355 – Contournement Ouest de Strasbourg (COS) long de 24 km.

La fouille a permis la mise au jour d’une centaine de structures réparties sur une surface de 7930 m² (fig. 1), dont 39 sépultures datées du Hallstatt D1-D2 (datation à partir du mobilier et par C14). Celles-ci renfermaient 44 individus de tous âges et des deux sexes (15 individus de sexe masculin, 13 individus de sexe féminin, 16 indéterminés), retrouvés majoritairement installés sur le dos, mais aussi sur le ventre ou en position fléchie.

Aucun dépôt de vaisselles n’accompagnait les défunts, en revanche 15 individus (38% de l’ensemble) étaient pourvus d’un ou plusieurs éléments de parure et/ou accessoires de vêtement, pour un total de 34 objets (bracelets en alliage cuivreux, roche noire, fer ; anneaux et agrafe de ceinture en alliage cuivreux ; perles en ambre, corail, verre et matière dure animale…).

L’élément le plus remarquable est un collier plastron retrouvé en place dans la sépulture 40, qui constitue à ce jour un unicum pour la région.

Découverte du collier

Le collier a été mis au jour encore en place dans la sépulture 40, au niveau du cou du squelette (fig. 2). Il s’agit d’un collier complexe (assemblage de plusieurs pièces) et composite (association de plusieurs matériaux) (fig. 3). D’après la disposition des divers éléments, et en l’absence de pièces sous les vertèbres cervicales de l’individu, cette parure a pu être identifiée comme un collier plastron. L’individu inhumé est une femme de plus de 20 ans qui a été déposée sur le dos, la tête au sud, et les membres supérieurs et inférieurs en extension. Des indices ostéologiques et archéologiques permettent de dire que le corps a été installé au sein d’un contenant rigide de type coffrage en bois.

(Fig.1 : Plan du site de Kolbsheim « Kurze Straenge » – DAO : C. Ceciliot)

(Fig. 3 : Dessin du collier à partir de l’objet, des photos de terrain, et des images 3D – dessin et DAO : A. Collet, Archeodunum)

Etudes et analyses de la parure (études métallique, textile, matière organique / tomographie)

Après la fouille, l’enregistrement et le prélèvement du squelette, le collier a pu être prélevé en motte afin de conserver toute son intégrité pour son étude en laboratoire. Une première étape de nettoyage et consolidation puis d’observations et études a pu être menée. Le collier a ensuite été analysé par imagerie, grâce à la réalisation d’une tomographie (technique d’imagerie 3D non invasive) qui a permis d’apprécier le volume du collier, son mode d’assemblage, et de révéler les pièces invisibles à l’œil en raison des concrétions (fig. 4).

(Fig. 4 : Analyse du collier par tomographie et résultats selon différents traitements d’image – NSI Europe et ANTEA-Archéologie)

D’après les différentes analyses et observations faites, le collier semble se composer (fig. 5 et fig. 6) :

  • d’une armature (1) constituée de trois tiges spiralées en alliage cuivreux, de section losangique, décrivant un demi-cercle de 17 cm de long. Chaque tige compte 8 à 10 spires et celles situées au milieu et aux extrémités semblent jouer un rôle de crochet;
  • de plusieurs chaînettes (2) constituées d’une alternance de maillons ovalaires en alliage cuivreux et de maillons circulaires en fer. Ces chaînettes étaient fixées aux spires de l’armature et pendaient verticalement ;
  • de petites pendeloques triangulaires (3) façonnées à partir de tôles en alliage cuivreux et qui semblent être accrochées à l’extrémité de certaines chaînettes, mais pourraient aussi être directement accrochées aux spires de l’armature ;
  • d’un chapelet de huit perles (4) dont une perle subsphérique perforée en ambre (la plus imposante), deux perles subsphériques en verre de teinte vert-jaune opaque et à décor sinusoïdal, une petite perle discoïde en verre de teinte jaune ou bleu translucide (piégée dans les concrétions), et quatre perles subsphériques en corail blanc dont une grande et trois petites ;
  • d’un cordon en cuir de section ronde (5) sur lequel les perles en corail étaient encore enfilées. Les perles en verre et en ambre devaient également être enfilées sur ce cordon, et l’armature en alliage cuivreux devait quant à elle être suspendue à ce même cordon, par les crochets placés aux extrémités, et par les trois spires perpendiculaires sur la tige centrale (voir la proposition de restitution). Enfin, le cordon devait fermer le collier derrière la nuque de la défunte.

(Fig. 5 : Les différents éléments composant le collier – dessins : A. Collet, Archeodunum ; clichés : F. Médard, Anatex, et ANTEA-Archéologie)

(Fig. 6 : Proposition de restitution du collier plastron de Kolbsheim « Kurze Straenge » – dessin et DAO : A. Collet, Archeodunum)

Des traces et restes de matières organiques et textiles, minéralisés au contact des éléments métalliques, ont également pu être observés, principalement sur le revers du collier (contre le corps de la défunte), et sur quelques éléments associés (pendeloques, maillons). Il s’agit (fig. 7) :

  • de fibres de laine qui peuvent correspondre à un vêtement (A) et à des restes de cordelettes, dont un nœud (B), ayant pu servir à attacher ou suspendre d’autres éléments au collier ;
  • de cuir (C) qui peut révéler la présence d’un vêtement en cuir/peau et/ou de pendeloques ou perles confectionnées dans cette matière ;
  • de fourrure ou cheveux (D) ;
  • de peau humaine (E).

(Fig. 7 : Les traces et restes de textiles et de matières organiques sur le revers du collier – clichés et observations à la loupe binoculaire et au microscope électronique à balayage : F. Médard, Anatex)

Quelques éléments de comparaison

Le collier plastron de Kolbsheim « Kurze Straenge » ne trouve pas de comparaisons précises dans la littérature archéologique. Sa technique d’assemblage au moyen de tiges spiralées permet toutefois de le rapprocher d’autres parures découvertes dans plusieurs ensembles funéraires nord-alpins du Hallstatt D1,  ainsi qu’à des parures recensées dans d’autres régions du nord au sud de la France pour la même période (fig. 8).

(Fig. 8 : Parures comparables au collier plastron de Kolbsheim « Kurze Straenge » retrouvées en contexte funéraire au Hallstatt D1)

  • d’un chapelet de huit perles (4) dont une perle subsphérique perforée en ambre (la plus imposante), deux perles subsphériques en verre de teinte vert-jaune opaque et à décor sinusoïdal, une petite perle discoïde en verre de teinte jaune ou bleu translucide (piégée dans les concrétions), et quatre perles subsphériques en corail blanc dont une grande et trois petites ;
  • d’un cordon en cuir de section ronde (5) sur lequel les perles en corail étaient encore enfilées. Les perles en verre et en ambre devaient également être enfilées sur ce cordon, et l’armature en alliage cuivreux devait quant à elle être suspendue à ce même cordon, par les crochets placés aux extrémités, et par les trois spires perpendiculaires sur la tige centrale (voir la proposition de restitution). Enfin, le cordon devait fermer le collier derrière la nuque de la défunte.

En guise de conclusion

Le remarquable collier plastron de la sépulture 40 de Kolbsheim « Kurze Straenge », inédit, témoigne du statut privilégié de sa propriétaire. En effet, cette dernière se trouve en possession d’un bien de prestige dont certains éléments sont directement influencés voire importés de l’Italie du Nord via le Plateau suisse (perles en verre et en corail). On peut également remarquer que si la conception du collier semble bien de tradition hallstattienne, sa forme en plastron agrémenté de pendeloques et de chaînettes évoque plutôt des pièces issues de l’orfèvrerie étrusque.