La fouille réalisée au 45 Grande rue François Mitterrand à Bavilliers s’est déroulée entre décembre 2009 et mars 2010. Elle a porté sur une surface de 2200 m² située au cœur de vicus. Elle a permis de mettre au jour les vestiges de trois périodes distinctes, dont la principale a vue l’édification d’un sanctuaire gallo-romain.
Une première occupation datée de La Tène D2 est caractérisée par un grand fossé, dont l’orientation diverge de celle des structures romaines, et de quelques trous de poteau. Ils sont les premiers vestiges laténiens reconnus à Bavilliers et évoquent la possibilité de la présence d’un établissement rural à enclos.
Un sanctuaire gallo-romain constitue la majorité des vestiges mis au jour. Il est caractérisé par un enclos carré (péribole), formé par des murs à double parement, au centre duquel s’élevait un monument cultuel. La mise en place du monument central a pu être datée précisément de 122-123 grâce à une étude dendrochronologique sur les pieux soutenant ses fondations. La robustesse de ces fondations laisse penser qu’elles supportaient une construction très massive. Ce constat, de même que la découverte d’un fragment de foudre et celle d’une applique de harnais en forme de lunule, permettent de proposer l’hypothèse d’une colonne supportant un ensemble sculptural du cavalier à l’anguipède. Si beaucoup d’exemples de ces colonnes sont connus, on constate que leur contexte archéologique reste généralement flou. En effet, les éléments de colonnes à l’anguipède ont souvent été trouvés hors de leur contexte archéologique ou sont issus de fouilles anciennes. Ainsi, les ensembles architecturaux auxquels elles appartenaient restent mal connus, de même que les pratiques cultuelles auxquelles elles étaient associées. Ici l’offrande de pièces de monnaies semble être l’expression principale du culte (126 monnaies ont été découvertes au sein du péribole).
Les monnaies et la céramique indiquent que la fréquentation des lieux s’estompe voire s’arrête vers le milieu du IIIe siècle. En effet, un premier faciès monétaire est caractéristique d’une circulation comprise entre le début du IIe siècle et le milieu du IIIe siècle, tandis qu’un deuxième faciès évoque une circulation de la fin du IVe siècle. Un hiatus pourrait donc exister entre le milieu du IIIe siècle et la fin du IVe siècle, et pourrait indiquer que les monnaies du IVe siècle ont été perdues au moment du démantèlement du sanctuaire. Une nouvelle fréquentation du sanctuaire au IVe siècle et un démantèlement plus tardif doivent cependant être envisagés.
Des traces d’occupation postérieures ont également été mises au jour, qui sont constituées de murs de terrassement coupant l’enclos cultuel romain et d’un réseau de fossés. Le seul élément datant se rapportant à ces structures est un tesson moderne trouvé dans un fossé.
La répartition géographique des trouvailles de colonnes ou d’éléments de colonne au cavalier à l’anguipède montre que ce culte semble surtout populaire à proximité du limes rhénan. En effet, une très forte concentration (près de 160 groupes) apparaît entre la région rhénane et la Meuse. Quelques éléments sont connus entre Loire et Seine. Bavilliers appartient à une région où les colonnes à l’anguipède sont plus rares. Quelques exemples sont connus, tel que le monument de Cussy-la-Colonne en Bourgogne, mais ils restent très dispersés. À Bavilliers même, aucun indice d’autre monument dédié à Jupiter n’est connu. Notons cependant que plusieurs indices concordent qui permettent d’envisager que Bavilliers antique se soit développée autour d’un complexe cultuel :
– Un culte lié aux eaux guérisseuses a perduré à Bavilliers jusqu’au début du XIXe siècle.
– Parmi les vestiges déjà mis au jour, plusieurs éléments permettent de soupçonner la présence d’un complexe cultuel étendu. En particulier, les luxueux vestiges trouvés sur la propriété Jeanney-Spadone. La date de mise en place du monument à l’anguipède concorde avec la deuxième phase d’occupation de ce complexe.
– Plus généralement, la situation géographique de l’agglomération, sur une voie très fréquentée, puisque reliant Mandeure à Langres et à Strasbourg, peut justifier l’implantation d’un sanctuaire. Ainsi, avec Bavilliers, cet axe est ponctué d’au moins trois sanctuaires : Mandeure (située à environ 25 km au sud de Bavilliers), Bavilliers et Offemont (située à environ 7 km au nord de Baviliers).
DEUX ÉLÉMENTS APPARTENANT À L’ENSEMBLE SCULPTURAL ?
Cet objet en forme de croissant de lune (lunule), recouvert d’une feuille d’or, a été trouvé au cours du diagnostic. Il est long de 5 cm. Le caractère apotropaïque de ce motif est bien connu dans le monde romain. Il n’est ainsi pas étonnant de le voir intégré au harnachement des chevaux. Ainsi des lunules ont-elles pu être observées sur les harnais de chevaux figurant sur plusieurs monuments romains. Citons comme exemple particulièrement explicite la lunule pendant au front du cheval du cavalier à l’anguipède de Tongres en Belgique.
Cet objet, également trouvé lors du diagnostic, est long de 26 cm et a entièrement été forgé dans un alliage cuivreux. Cette trouvaille correspond au foudre brandi par la statue de Jupiter. Il a permis de soupçonner rapidement que l’on se trouvait sur un sanctuaire dédié à cette divinité. Rares sont les monuments pour lesquels le foudre est conservé. Deux exemples peuvent être cités : le site du Wasserwald – Bas-Rhin (monument daté du IIIe siècle) ; Heildelberg en Allemagne.